Le Congo en quête d’une Philosophie Nationale : Sortir du Chaos par une Vision Commune

Pourquoi un pays doté d’un immense potentiel peine-t-il à construire une identité forte ?

L’importance cruciale d’une philosophie collective#

Toute grande civilisation tire sa force d’une philosophie claire et d’une vision partagée qui guident ses actions, structurent ses institutions et unifient son peuple autour d’objectifs communs. Cependant, la République Démocratique du Congo (RDC), malgré sa richesse en ressources naturelles et humaines, demeure en crise, faute d’une vision philosophique unificatrice.

Une identité philosophique comme moteur de progrès#

La Chine s’est construite autour du confucianisme, les Européens autour de la pensée gréco-romaine et des Lumières, tandis que le Japon a intégré le Bushido, code éthique des samouraïs, dans son tissu économique et social. Ces exemples montrent comment des philosophies nationales, nées localement, peuvent influencer positivement la destinée d’un peuple.

Pourtant, en RDC, on peine à identifier une telle philosophie. Si beaucoup répondent spontanément « la Bible », force est de constater que la foi, seule et isolée d’une pratique sociopolitique et économique, ne suffit pas à bâtir une nation prospère.

En Israël, la Torah n’est pas seulement priée, elle est appliquée concrètement dans l’éducation, la justice et la gouvernance, permettant au pays de prospérer malgré les défis. Au Congo, bien que profondément croyant, on remarque une passivité face aux défis quotidiens, souvent attribuée à une attente messianique détachée des réalités terrestres. Pourtant, la prière du « Notre Père » invite explicitement à agir pour établir une société juste et prospère « sur la terre comme au ciel ».

Le retour à l’Authenticité de Mobutu : une vision philosophique inachevée#

Historiquement, le Congo a déjà tenté de se reconnecter à son identité culturelle avec le programme de « Retour à l’Authenticité » initié par Mobutu Sese Seko. Sur le papier, cette initiative était porteuse d’espoir : abandon des influences coloniales, valorisation des noms africains, adoption de vêtements locaux, et affirmation de la souveraineté culturelle.

Cependant, en pratique, cette idée ambitieuse a échoué. Pourquoi ? Parce que les institutions héritées du colonialisme belge étaient conçues non pas pour favoriser le développement, mais pour faciliter l’exploitation économique. Des auteurs comme Georges Nzongola-Ntalaja (« The Congo from Leopold to Kabila ») montrent clairement comment ces institutions fragiles, couplées à une corruption endémique et à l’intervention constante d’intérêts étrangers, ont miné les fondations mêmes du projet d’authenticité.

Le chaos actuel à l’Est : symptôme d’une absence philosophique#

L’absence d’une vision philosophique claire aggrave les crises politiques et sécuritaires actuelles, notamment dans l’est du pays. Le conflit complexe impliquant des groupes armés comme le M23, soutenus par le Rwanda de Paul Kagame, ainsi que des combattants burundais recrutés dans les camps de réfugiés, révèle une profonde crise d’identité nationale. La faiblesse administrative et l’absence de cartes d’identité nationales facilitent la manipulation identitaire et rendent impossible la définition claire de la citoyenneté congolaise.

Ce vide identitaire transforme le Congo en terrain de jeu géopolitique pour des puissances régionales. Des analystes comme Jean-François Bayart, dans son ouvrage « L’État en Afrique : La politique du ventre », démontrent comment l’absence d’une vision commune et la prédominance des intérêts personnels des élites politiques alimentent la crise permanente.

Vers une renaissance congolaise : construire une philosophie nationale#

Pour sortir du chaos, il est urgent que la RDC développe une philosophie nationale authentique, enracinée dans son histoire, ses traditions culturelles, et capable d’inspirer les générations futures. Il est essentiel de redécouvrir et de promouvoir des concepts africains tels que l’Ubuntu (« Je suis parce que nous sommes »), déjà appliqué avec succès en Afrique du Sud post-apartheid pour réconcilier et rebâtir la société.

La RDC pourrait ainsi bâtir une identité philosophique autour des valeurs de solidarité, de responsabilité collective, de respect de la terre et des ancêtres, tout en s’appuyant sur la créativité et l’entrepreneuriat local. L’éducation nationale, les médias et la société civile doivent être mobilisés pour diffuser ces valeurs et créer un socle solide sur lequel reconstruire l’État et rétablir la souveraineté nationale.

Une invitation à agir maintenant#

Le Congo fait face à une crise existentielle sans précédent, mais cette crise peut devenir l’opportunité d’une véritable renaissance nationale. Il ne suffit plus de critiquer le passé ou de pointer du doigt les responsables. Aujourd’hui, la RDC doit affirmer haut et fort quelle nation elle souhaite devenir. Chaque citoyen congolais, chaque intellectuel, chaque dirigeant doit prendre conscience que l’heure du choix est arrivée.

Laisserons-nous les générations futures hériter d’un chaos continu, ou bien aurons-nous le courage de bâtir ensemble une philosophie capable de changer radicalement notre destin collectif ? La réponse, désormais, appartient à chacun d’entre nous.

Pour aller plus loin :#

• Nzongola-Ntalaja, Georges. « The Congo from Leopold to Kabila »
• Bayart, Jean-François. « L’État en Afrique : La politique du ventre »
• Hochschild, Adam. « Les Fantômes du Roi Léopold »